mardi 16 février 2016

Les Intrus d'Adrian Tomine

Cela faisait très longtemps qu'Adrian Tomine n'avait rien publié - 5 ans si l'on compte "Scènes d'un mariage imminent", et 7 depuis "Loin d'être parfait". Autant dire que j'attendais avec beaucoup d'impatience ce retour.

"Les Intrus" est un recueil de 6 courtes histoires qui, à première vue, n'ont rien en commun, tant les thèmes abordés, les situations et les personnages sont différents. 

- Une brève histoire de la forme artistique nommée "hortisculpture" : Harold, un jardinier, est certain d'avoir créé une nouvelle forme d'art : l'hortiscuplture mélangeant la sculpture traditionnelle et les plantes. Il va essayer désespérément de faire connaître son talent au monde entier. Malheureusement pour lui, même ses proches n'y croit pas...
- Amber Sweet :  la narratrice de cette histoire est le sosie d'une star du porno. Tout le monde la prend pour celle-ci (en bien ou en mal) et ne cherche pas réellement à la connaître ou à la comprendre...
- Dans Allez les Owls !, un dealer à la petite semaine, menteur et pas très délicat, fan de l'équipe de baseball des Owls, rencontre lors d' une réunion une jeune femme, supportrice de la même équipe. S'en suit une relation pas toujours très facile.
- Traduit du japonais est une courte lettre écrite par une mère japonaise à son enfant. Elle lui raconte comment, lorsqu'il était petit, ils ont déménagé aux USA pour y retrouver père et mari, et le choc que cela a été pour elle...
- Tuer et mourir : Jesse est une adolescente assez mal dans sa peau, et qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Elle décide un jour de faire du stand up et y est encouragée par sa mère. Elle prend donc des cours de comédie et cela semble lui plaire et bien se passer. Son père qui a toujours été contre, connaissant bien sa fille, ne peut que se résigner, puis finalement la soutenir contre son gré, après la mort de sa femme...
- Les intrus : un homme a récupéré un jeu de clés de son ancien appartement, où il vivait heureux avec sa famille. Désormais seul, il va s'introduire tous les jours dans la maison, lorsque son locataire s'en va travailler.

Il y a pourtant bien une idée commune à tous ces personnages et ces récits : comment trouver sa place dans cette société ? Comment faire pour ne pas être un intrus au sein de celle-ci, et comment s'y intégrer (ou tout du moins essayer).
Dans l'ensemble, ce livre est vraiment une réussite visuelle - le style de plus en plus dépouillé et précis de Tomine est beau - tant que narrative qui arrive à vraiment nous toucher et a nous faire ressentir les émotions des protagonistes.

J'ai plus particulièrement apprécié "Une brève histoire de la forme artistique nommée "hortisculpture"" m'a fait penser au Wilson de Daniel Clowes, tout d'abord physiquement, et surtout via le traitement de l'histoire en strip. Je dirai que cette histoire, qui ouvre le recueil est la plus légère, même si l'on assiste au suicide artistique d'un homme (thème que l'on retrouvera sous-jacent dans "Tuer et mourir"). 
Mais l'histoire qui m'a le plus touché, est "Traduit du japonais". Bien qu'étant la plus courte des histoires de ce recueil, c'est celle qui dégage le plus d'émotions, grâce à la méthode employée par Tomine pour la raconter. En effet, il l'illustre avec des images faisant penser à des photos, le tout avec le texte de la lettre accolé dans les cases. Du grand art.

J'ai donc retrouvé un Adrian Tomine au sommet de sa forme, toujours capable, grâce à son dessin quasi réaliste, et surtout à son art de la narration, de raconter comme personne, l'intimité et les petits moments de la vie.

A noter que le titre original de ce recueil est "Killing and Dying", et reprend donc le titre de l'avant-dernière histoire, alors qu'en français, il s'agit de celui de la dernière. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouve que le choix réalisé par les Éditions Cornélius colle bien au volume.


Note : 16/20

Les Intrus d'Adrian Tomine
Éditions Cornélius / Paul / 2015
ISBN : 978-2360811045
120 p. / 23,50€

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