J'ai découvert Riad Sattouf il y a bien longtemps (2003 pour être précis) avec "Les pauvres aventures de Jérémie", qui mettaient en scène un ado attardé blond aux cheveux longs, avec des lunettes et plutôt mal à l'aise avec les filles. Inutile de dire que quand j'ai lu ça, j'ai eu l'impression d'être dans le Truman Show... Et puis j'ai adoré le dessin et les histoires. Riad Sattouf a ensuite enfoncé le clou avec "Le manuel du puceau", "Retour au collège" et surtout "Pascal Brutal" summum du post apo farfelu.
Avec "L'Arabe du futur", il a décidé d'écrire (et de dessiner) son autobiographie. Celle-ci est prévue en trois tomes, et dans ce premier volume, il nous raconte les premières années de sa vie (1978-1984), entre Syrie, Lybie et Bretagne.
Le père de Riad, Abdel-Razzak, est un syrien qui a obtenu une bourse pour venir étudier à Paris. Il est également un fervent défenseur du panarabisme et des régimes autoritaires du Moyen-Orient, car il pense que les habitants de ces pays ne pourront être éduqués (et donc devenir des Arabes du futur) que sous une dictature. A Paris, il rencontre sa future femme, une bretonne, et bientôt, Riad naît. Ne se sentant pas très bien considéré en France, et rêvant d'apporter sa pierre à l'éducation des peuples arabes, il accepte de devenir maître de conférence en Lybie, sous le règne de Kadhafi - leader charismatique qu'il admire. S'en suivra ensuite un départ pour la Syrie et sa région natale de Homs. Riad, trop petit pour comprendre tout ce qui lui arrive et tout ce qui se passe autour de lui, livre ses réflexions et ses souvenirs.
Ce premier tome, bizarrement, peut apparaître à la fois comme l'autobiographie de Riad Sattouf, mais également, comme l'histoire de son père. En effet, ce personnage haut en couleur, qui a un avis sur tout et surtout le cul entre deux chaises (l'occident et l'orient). Personnage assez complexe, voire contradictoire, brillant et ouvert sur le monde, rêvant que ses frères arabes s'élèvent intellectuellement, mais voulant aussi leur en mettre plein la vue avec une Mercedes ou une villa de luxe. Non pratiquant, voire athée, mais capable de caillasser un bouc car il l'incarnation du diable.
Bien sûr, Riad Sattouf ne fait pas que raconter la vie de son père, il parle aussi de la sienne (ce qui est mieux pour une autobiographie), et là encore, les anecdotes sont vraiment géniales et bourrées d'humour : les bananes qui sont le fruit préféré de Kadhafi; les soldats juifs en plastiques représentés avec un drapeau blanc et un couteau caché dans le dos; les maisons syriennes jamais terminées pour ne pas payer d'impôts; etc.
C'est avec ces petites anecdotes, racontées naïvement - car par un enfant - que Riad Sattouf réussi le tour de force de décrire l'Histoire (avec grand H) de ces années un peu folles dans les pays arabes.
Riad Sattouf renoue ici un peu avec le ton et la forme utilisés dans son "Manuel du puceau" et surtout dans "Ma circoncision" et cela fonctionne à merveille. Nous avons affaire ici à un vrai chef d’œuvre, une rencontre entre "Persepolis" de Marjane Satrapi et le "Petit Christian" de Blutch. Allez-y, foncez !
Note : 17/20
L'Arabe du futur - Tome 1 de Riad Sattouf
Allary / 2014
ISBN : 978-2370730145
160 p. / 20,90€
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