Il y a quelques temps de cela, j'ai reçu un mail de Danny Mienski qui proposait de m'envoyer un service de presse de son dernier ouvrage. Je n'ai bien sûr pas hésité un seul instant pour plusieurs raisons : la première étant que je ne connaissais ni l'auteur ni la maison d'édition (Ex Æquo) et que je souhaite à travers mon modeste blog donner une - petite - visibilité aux auteurs en devenir et aux nouveaux éditeurs. La deuxième, qu'il s'agissait d'un recueil de nouvelles fantastiques - genre que j'adore. Et enfin, que j'ai été (je le suis toujours d'ailleurs) très flatté qu'un auteur puisse imaginer qu'une chronique de ma part - je ne suis pas critique professionnel, je ne partage ici que ce qu'il me plaît - pouvait être un retour intéressant pour lui.
Voilà pour la petite histoire (avec h minuscule). En ce qui concerne l'ouvrage, celui-ci est donc composé de trois nouvelles se situant à différentes périodes de l'Histoire (avec H majuscule).
La première s'intitule "Les Lions bleus" qui est basée sur un conte africain.
1772 à Nantes, Théo est un adolescent qui a soif d'aventure et rêve de découvrir l'Amérique. Il se fait engager sur un bateau négrier en partance pour le Nouveau Monde via l'Afrique. Quand le navire fait escale au Sénégal pour embarquer des esclaves. Tandis que les femmes et les hommes sont inspectés par le médecin de bord, un esclave refuse d'être séparé de sa compagne. L'incident est clos lorsque le second du capitaine - qui désire garder la femme pour lui - assomme l'esclave. La traversée de l'Atlantique qui s'en suit va être une succession d’événements plus étranges les uns que les autres, semblants être provoqués par l'esclave scarifié. Pour le jeune Théo, le rêve va tourner au cauchemar...
La deuxième histoire, "Drapeau blanc", se passe à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Joseph, un ancien légionnaire retrouve, Carmen, trapéziste dans un cirque. Ils se sont connus et aimés il y a quelques années mais ont dû se séparer à cause des démons intérieurs de Joseph. En effet, celui-ci est le seul survivant d'une bataille de la guerre du Tonkin et se sent coupable de cette situation. Mais surtout, il culpabilise d'avoir invoqué les esprits qui n'ont épargné personne sauf lui. Il a essayé de les fuir, mais en vain. Ils ont continué à le pourchasser. Joseph a donc décidé que le moment était venu de les affronter. Carmen, ne voulant pas perdre une fois de plus l'homme qu'elle aime, va lui venir en aide...
Enfin, le dernier récit "Le chemin rouge", raconte l'histoire d'un homme et d'une femme qui se sont cherchés - et parfois trouvés - à différentes époques de l'Histoire. Que ce soit en Afghanistan de nos jours, dans le Japon médiéval, à Babylone ou encore durant la Seconde Guerre mondiale, ils se rencontrent pour la première fois mais ils semblent se connaître depuis toujours. Malheureusement pour eux, les aléas de l'Histoire ou des événements violents les séparent à chaque fois...
Il est en général peu aisé de donner son ressenti sur un recueil de nouvelles, mais Danny Mienski est sympa car, les trois nouvelles qui composent ces "Temps maudits" forment en fin de compte une seule et même histoire, même si elles peuvent très bien se lire séparément. Le fait que certains faits, ou objets fassent écho entre deux histoires est très ingénieux. On prend alors conscience que nous avons affaire à un récit d'un seul tenant, mais cela est fait de manière très subtil.
J'ai beaucoup aimé les différentes ambiances et atmosphères que l'auteur a su donner à ses trois nouvelles, car il a su ressusciter les époques sans tomber dans les clichés ni les lieux communs. Il a par ailleurs donné un rythme particulier à chacune d'elles, qui permet de ne pas tomber dans la monotonie.
Dans la première, il prend son temps pour mettre en place l'intrigue et son dénouement. Le déroulement du récit est linéaire dans le temps. Cela permet de se familiariser avec le style de l'auteur (c'est primordial pour une bonne entrée en matière) et surtout de sentir petit à petit l'irréel se mêlé au réel. Cela se fait graduellement, presque imperceptiblement, et de manière très poétique. On y sent bien l'inspiration qu'a pu être le conte africain.
Dans "Drapeau blanc", au contraire des "Lions bleus", on est tout de suite dans le cœur de l'action. Les circonstances menant aux péripéties relatées ne seront explicitées que plus tard dans l'histoire, grâce à un astucieux va et vient entre différentes dates. Le style et le rythme y sont plus vifs et plus nerveux, comme pour nous faire ressentir la course contre la montre engagée par Joseph pour vaincre les démons.
Enfin, dans la dernière, nous sommes transportés d'une époque à une autre, sans transition, ni temps morts. Nous avons donc l'impression de ressentir ce que semble vivre les protagonistes : bringuebalés de-ci de-là avec cette sensation que ce qu'il s'est passé dans leur vie avant cet instant n'a pas ou plus d'importance, que leur vie commence maintenant qu'ils se sont rencontrés. La diversité des époques et des régions abordées dans ce "Chemin rouge" font que l'on a l'impression de lire plusieurs petites histoires au sein d'une grande, qui serait elle-même une partie d'une histoire plus importante, à savoir le recueil en lui-même. J'ai trouvé cette mise en abyme très astucieuse. L'alternance de passages à la troisième personne puis à la première, permet d'apporter un peu plus de profondeur et d'émotion au récit. J'ai par ailleurs beaucoup aimé le petit clin d’œil à "La Vénus d'Ille" de Prosper Mérimée
En ce qui concerne le style de Danny Mienski, celui-ci est très plaisant à lire. Les phrases sont simples - mais pas simplistes - et vont à l'essentiel. Les descriptions très complètes des lieux et des personnages permettent de les visualiser sans aucun problème et donc de parfaitement se représenter les scènes qui se déroulent.
Les récits sont bien menés et bien construits. On veut connaître la suite et on ne se rend pas compte que l'on tourne les pages. Les cent quarante-quatre pages du recueil sont d'ailleurs très vite lues - ce qui n'est pas un défaut pour moi, au contraire, puisque cela signifie que j'ai été complètement pris par l'histoire.
Les personnages principaux sont attachants et ont de la profondeur. Les secondaires sont également bien campés et ne sont pas de simples faire-valoir.
Le seul petit bémol que je mettrai concerne quelques anachronismes mineurs dans la première nouvelle. Mais cela ne nuit absolument ni au déroulement de l'histoire, ni n'a d'impact sur sa cohérence. C'est juste pour faire mon pénible.
En conclusion, je dois dire que j'ai été très agréablement surpris par cet ouvrage. L'exercice de la nouvelle est plus compliqué qu'il n'y parait, parce qu'en très peu de pages, l'auteur doit être à même de mettre en place une ambiance et de mener à bien un récit. Il se doit donc d'aller à l'essentiel. Danny Mienski l'a bien compris et nous livre un (des) récit(s) prenant(s) et très touchant(s).
Note : 14/20
Les temps maudits de Danny Mienski
Éditions Ex Æquo / Atlantéïs / 2017
ISBN : 978-2-35962-937-8
144 p. / 13€
À noter que la couverture et les illustrations intérieures ont été réalisées dans le cadre d'un atelier avec des lycéens de la région de Nantes.
Je signale également que Danny Mienski vient de publier dans le dernier numéro de Galaxies, une nouvelle très sympathique qui revisite le mythe du Prêtre Jean et qui est dans le ton de la première histoire des "temps maudits". Je vous recommande vivement sa lecture.
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