Aujourd'hui, une chronique un peu particulière car il s'agit d'un court roman prenant place dans l'univers du Capitaine LSD. Il est très important de noter qu'il ne s'agit donc pas d'une novélisation mais bien d'une histoire originale. La singularité de la chose, c'est que les chapitres de l'histoire sont entrecoupés de planches de bande dessinée signées Jim Dandy (alias Mathias Fourrier). J'avais dit tout le bien que je pensais des deux albums du Capitaine LSD (ici et là) et l'excellent "L'écume des ours" avait confirmé cette très bonne impression. Inutile de dire que j'étais très content et très impatient de retrouver Le Blaireau - un des acolytes du Capitaine - surtout dans ce format inédit !
Bert est un jeune cinéaste belge qui a quitté Pecq et la Belgique il y a plus de dix ans pour se rendre à Paris, des rêves pleins la tête. Malheureusement pour lui, cela n'a pas tourné comme il l'aurait souhaité et il se retrouve à devoir faire des reportages de commande pour pouvoir joindre les deux bouts. Le dernier en date a une saveur un peu particulière pour lui car il va devoir retourner dans sa ville natale afin d'y interviewer Le Blaireau, désormais à la retraite. Grâce à cette tribune assez inattendue, le vieux Gus Vanderdonik espère pouvoir faire passer un message à la nouvelle génération et en particulier à son fils Kevin qui a repris le flambeau, mais de manière totalement différente. Dans le même temps, Pecq a décidé de rendre hommage à son super-héros avec une cérémonie en grande pompe. De son côté, Bert va se retrouver confronter à son passé et surtout à son amour de jeunesse...
Ce que j'ai trouvé très malin dans ce court roman, c'est le fait que l'auteur n'ait choisi ni de faire un récit de super-héros (ce qui aurait pu être logique mais ce serait révélé casse-gueule et surtout inintéressant à mon avis), ni de choisir comme personnage principal celui que l'on aurait pu attendre, à savoir Le Blaireau qui apparaît d'ailleurs assez effacé, trop enfoncé dans ses souvenirs pour réellement sentir le moment présent.
Au lieu de cela, nous suivons la majeure partie du temps Bert, qui se voit confronté à son passé, même si les chapitres alternent entre différents personnages. Ce parti pris permet mettre en place une atmosphère nostalgique voire mélancolique - mais sans tomber dans le pathos - qui sied parfaitement au récit et ceci grâce aux points de vue des différents protagonistes.
Grâce à ce mode de narration, on se rend compte qu'il y a énormément de non-dits entre les différents personnages qui semblent avoir du mal à communiquer entre eux. Le carré amoureux entre Kevin, Vanya, Hannah et Bert est d'ailleurs construit sur des non-dits qui les font tous souffrir.
Heureusement, les dernières lignes du récit laissent malgré tout entrevoir une éclaircie dans la vie de certains protagonistes.
J'ai également beaucoup apprécié le contexte du récit, qui ne se situe pas pendant la grande période des super héros, mais bien après, alors qu'ils semblent obsolètes. L'époque de Sup' Europa est désormais révolue : Le Jeune Blaireau n'est qu'un m'as-tu-vu, dans lequel son père a du mal à se reconnaître et surtout à croire, le pauvre Andy Namite (alias Capitaine LSD) est décédé et Iron Butterfly semble isolé sur son île. C'est dans ce contexte que la municipalité de Pecq organise une cérémonie en l'honneur de Gus et des dix ans de la retraite du Blaireau. Celui-ci se retrouve engoncé dans un vulgaire déguisement du Blaireau et voit dans cette célébration assez incongrue un moyen de refermer définitivement le livre des grandes heures avant qu'il ne soit trop tard (à moins que ce ne soit déjà le cas).
Ce qui est également intéressant ici, c'est que tous les personnages semblent avoir des aspérités. Même Kevin, Le Jeune Blaireau qui renvoie une image parfaitement lisse et semble insensible à tout ce qui se passe autour de lui cache une fracture. l'auteur a donc su s'approprier cette sensibilité qui m'avait frappé lors de la lecture de Capitaine LSD. Les super-héros de Mega-Low Comix sont certes surhumains, mais ils sont surtout humains.
L'écriture de Gilles Peyroux est très fluide et très agréable à lire. Sans avoir l'air d'y toucher, il nous livre un récit vraiment réussi. Il est arrivé à mettre en place une atmosphère de nostalgie qui est très intéressante et qui permet d'ajouter une dimension supplémentaire à l'univers du Capitaine LSD.
Les planches de bande dessinée, quant à elles, permettent à la fois de garder la cohérence de l'univers du Blaireau / Capitaine LSD, tout en participant également à l'histoire. Elles éclaircissent, ou approfondissent un point du récit et sont une vraie valeur ajoutée. C'est donc une très bonne idée.
Enfin, le volume est complété par des bonus comme une interview de la chanteuse qui est également la petite amie du Jeune Blaireau, ou encore un extrait de journal intime. Ceux-ci permettent de continuer l'histoire après le point final ou encore d'approfondir celle-ci, après coup. Dans tous les cas, cela est très bien imaginé.
Comme indiqué en début de chronique, j'attendais beaucoup de ce livre qui s’annonçait très original dans le fond et dans la forme. Je n'ai pas été déçu, bien au contraire. J'ai trouvé ce livre très juste et très touchant. J'ai un peu retrouvé cette saveur si particulière qui émanait de Welcome to the 90's, et ça c'est plutôt très bon signe. En un mot comme en cent : bravo ! (Et vivement la suite des aventures de Sup' Europa).
Note : 15/20
Retour à Pecq de Gilles Peyroux et Mathias Fourrier
Mega-Low Comix / 2017
ISBN : 979-1022738224
132 p. / 10€
N'hésitez pas à aller faire un tour sur le site de Mega-Low Comix !
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