J'ai découvert cette bande dessinée grâce à un billet sur son blog du talentueux auteur Laurent Lefeuvre. Qu'il recommande aussi chaudement cet ouvrage voulait dire que celui-ci valait a priori le détour. Je me le suis donc procuré. Voici ma chronique. Tadam ! (le bruit à la fin de l'introduction de New York Unité Spéciale).
Mississippi 1927. La pluie de ne cesse de tomber et la crue qui s'ensuit menace de faire céder toutes les digues de la région. La ville de Chatterlee tente tant bien que mal de se protéger de la montée des eaux et pour ce faire, tous les hommes sont réquisitionnés - surtout les noirs, qui bien que désormais officiellement libres ne le sont pas réellement. Ils continuent à trimer pour un salaire de misère, constamment harcelés par le Ku Klux Klan toujours très puissant dans le sud des USA. C'est dans ce contexte de tension raciale qu'un objet inconnu venu du ciel s'écrase non loin de là. Un colosse noir en sort. Il ne parle pas mais possède des pouvoirs et une force capable de changer le cours des événements, voire de l'histoire...
Présenté un peu partout comme un "Et si Superman avait été noir et avait atterri dans le sud des USA", ce récit est tout de même un peu plus poussé que ça. Le scénario de Mark Waid est à la fois intelligent et prenant. En effet, ce super-héros noir n'est qu'un prétexte trouvé par les auteurs pour parler des tensions raciales et de la place des anciens esclaves dans les états du sud au début du XXème siècle. Même si l'abolition était officielle depuis près de 60 ans, dans les faits il n'en était absolument rien et ils continuaient à être traités comme des animaux par les grands propriétaires terriens blancs.
Les thèmes du racisme et de la ségrégation sont donc au cœur de ce récit. Le personnage du colosse alien permet aux auteurs de mettre en scène un super-héros - donc surhomme - noir dans un contexte où les blancs pensent eux-mêmes être des êtres supérieurs. Ce retournement de situation et tout ce qui va en découler - et comme vous vous en doutez, ce n'est pas joyeux - est une très bonne idée pour faire voler en éclats ce mode de pensée.
Le fait de choisir un ancrage historique et d'y apporter une touche d’irréel fait de ce récit une sorte de parenthèse (dés)enchantée. Ce sentiment est renforcé par le fait que le mystérieux extraterrestre ne reste que très peu de temps sur Terre, même si dans ce court laps de temps, il aura quand même le temps de se frotter à la haine, à la violence et de malgré tout de se sacrifier pour ces ingrats. Il disparaît comme il est arrivé et finalement, il sera très vite oublié et la vie reprendra son cours "normal".
On voit très clairement qu'il y a beaucoup de niveau de lectures dans ce récit et qu'il faudrait beaucoup plus que ma simple chronique pour les aborder tous. En tout cas, le scénario, en plus d'être bien écrit, avec une atmosphère très particulière, est donc également très riche et peut se prêter à beaucoup d'interprétations.
Les thèmes du racisme et de la ségrégation sont donc au cœur de ce récit. Le personnage du colosse alien permet aux auteurs de mettre en scène un super-héros - donc surhomme - noir dans un contexte où les blancs pensent eux-mêmes être des êtres supérieurs. Ce retournement de situation et tout ce qui va en découler - et comme vous vous en doutez, ce n'est pas joyeux - est une très bonne idée pour faire voler en éclats ce mode de pensée.
Le fait de choisir un ancrage historique et d'y apporter une touche d’irréel fait de ce récit une sorte de parenthèse (dés)enchantée. Ce sentiment est renforcé par le fait que le mystérieux extraterrestre ne reste que très peu de temps sur Terre, même si dans ce court laps de temps, il aura quand même le temps de se frotter à la haine, à la violence et de malgré tout de se sacrifier pour ces ingrats. Il disparaît comme il est arrivé et finalement, il sera très vite oublié et la vie reprendra son cours "normal".
On voit très clairement qu'il y a beaucoup de niveau de lectures dans ce récit et qu'il faudrait beaucoup plus que ma simple chronique pour les aborder tous. En tout cas, le scénario, en plus d'être bien écrit, avec une atmosphère très particulière, est donc également très riche et peut se prêter à beaucoup d'interprétations.
Le seul petit bémol pour moi est le traitement psychologique un peu pauvre du héros. Il n'est finalement pas assez charismatique et sa personnalité n'est pas assez développée. Le personnage de Sonny - le bouc émissaire du coin - est à ce titre beaucoup plus intéressant et complexe que ne l'est celui du super héros. Je trouve cela dommage, car on a du mal à s'attacher à lui et on l'oublie une fois le livre refermé. Après, il est possible que cela soit tout à fait volontaire pour seulement le confiner à son rôle de "deus ex machina" (voire de "MacGuffin") et de ce fait ne pas polluer le propos des auteurs (sur le contexte historique et sans doute aussi la place des super-héros noirs dans la bd et les comics en particulier).
Au niveau des dessins, J.G. Jones est vraiment au sommet de son art. Je me souviens que je n'avais pas été très convaincu par son travail sur "Before Watchmen" et que même si je louais son trait et sa technique, sa mise en scène et les postures des personnages me laissaient perplexe. Ici, il n'en est rien. Chaque planche est vraiment magnifique que ce soit dans la composition, le dessin - quasi photographique - et surtout la mise en couleur de toute beauté. Je ne sais pas si mon œil et ma sensibilité ont évolué ou si Jones est plus dans son élément ici. En tout cas, cela m'a donné envie de relire "Before Watchmen" pour me refaire une opinion (et pourquoi pas faire mon mea culpa).
En conclusion, j'ai trouvé cette bande dessinée très originale dans son propos et dans sa forme. Même si je pense que l'histoire aurait mérité un traitement un peu plus long (originellement il s'agit d'une mini-série de 4 fascicules) afin de pouvoir développer complètement les personnalités des différents protagonistes. J'ai donc passé un très bon moment de lecture et j'en ai pris plein les mirettes grâce aux magnifiques planches de Jones. Un très bel ouvrage !
Note 16/20
Strange Fruit de Mark Waid et J.G. Jones
Delcourt / Contrebande / 2017
ISBN : 978-2756091853
128 p. / 15,95€
Au niveau des dessins, J.G. Jones est vraiment au sommet de son art. Je me souviens que je n'avais pas été très convaincu par son travail sur "Before Watchmen" et que même si je louais son trait et sa technique, sa mise en scène et les postures des personnages me laissaient perplexe. Ici, il n'en est rien. Chaque planche est vraiment magnifique que ce soit dans la composition, le dessin - quasi photographique - et surtout la mise en couleur de toute beauté. Je ne sais pas si mon œil et ma sensibilité ont évolué ou si Jones est plus dans son élément ici. En tout cas, cela m'a donné envie de relire "Before Watchmen" pour me refaire une opinion (et pourquoi pas faire mon mea culpa).
En conclusion, j'ai trouvé cette bande dessinée très originale dans son propos et dans sa forme. Même si je pense que l'histoire aurait mérité un traitement un peu plus long (originellement il s'agit d'une mini-série de 4 fascicules) afin de pouvoir développer complètement les personnalités des différents protagonistes. J'ai donc passé un très bon moment de lecture et j'en ai pris plein les mirettes grâce aux magnifiques planches de Jones. Un très bel ouvrage !
Note 16/20
Strange Fruit de Mark Waid et J.G. Jones
Delcourt / Contrebande / 2017
ISBN : 978-2756091853
128 p. / 15,95€
En bonus, la magnifique chanson interprétée par Billie Holliday qui a donné son titre à l'histoire.
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