mardi 8 mai 2018

Anthologie Misty

Aujourd'hui, je vais vous parler de l'anthologie Misty, publiée par les éditions Delirium. Ce qui m'a réellement donné envie de la lire et de l'acheter, c'est la couverture qui attire tout de suite l’œil et attise la curiosité. D'autant plus que, je ne connaissais absolument pas la revue Misty avant de tomber sur cette très belle anthologie. 
Je me suis un peu renseigné et, pour la petite histoire, Misty était une revue britannique de la fin des années 70, au format tabloïd, imprimée sur du papier bon marché, et qui proposait des histoires fantastico-horrifique à destination des jeunes filles, mais pas seulement.
Ce recueil propose donc cinq histoires, trois longues ("Moonchild", "Les 4 visages d'Eve" et "Les Sentinelles") et deux courtes ("Racines" et "L'ombre d'un doute").

- "Moonchild" raconte l'histoire de Rosemary, une jeune fille qui a perdu son père très jeune et qui est élevée par sa mère, qui se montre extrêmement sévère avec elle. Toutes les deux vivent dans une maison sans électricité ni aucun confort moderne. L'étrangeté de sa mère (qui a l'allure d'une sorcière) et son mode de vie font de la pauvre Rosemary la souffre-douleur de la terrible Norma et de ses deux acolytes. Elle peut heureusement compter sur son amie Anne pour la soutenir. Un jour pourtant, poussée à bout par Norma, Rosemary va se rendre compte qu'elle possède un pouvoir incroyable : celui de la télékinésie. Ce don serait-il lié à la marque en forme de lune qu'elle a sur son front ? Et surtout saura-t-elle le contrôler ? Autant de questions qui vont hanter la jeune fille d'autant plus que Norma n'a pas dit son dernier mot et prépare une terrible vengeance, tandis que la mère de Rosemary lui révèle un terrible secret de famille...
- Dans "Racines", nous suivons Jill Trotter, une jeune fille dont les parents sont des prestidigitateurs itinérants. Ne pouvant emmener leur fille avec eux dans leur nouvelle tournée, ils l'envoient donc habiter chez son grand-père. Celui-ci malgré son âge avancé est toujours en pleine forme, mais ce qui est le plus étrange, c'est que tous les habitants du village d'Evergreen semblent également péter la forme. D'après le grand-père de Jill cela est dû à la bonne terre qui nourrit le village...
- "Les 4 visages d'Eve" : Eve vient de se réveiller dans une clinique et n'a aucun souvenir de sa vie. Par contre, à chaque fois qu'elle s'endort, un horrible cauchemar mettant en scène une jeune fille victime d'un accident d'avion vient la hanter. Cela a-t-il un lien avec son passé ? Les doutes sur son histoire personnelle se font de plus en plus grands au fur et à mesure qu'elle recouvre ses forces et vont culminer quand une femme la prend pour sa petite-fille décédée, tandis qu'une diseuse de bonne aventure lui apprend qu'elle ne devrait normalement plus être en vie...
- Dans "L'ombre d'un doute", Mary et ses parents habitent un petit village. Une nuit, la jeune fille est réveillée par le bruit de la porte de la grange. Allant voir ce qui a pu provoquer cela, elle entend des voix à l'intérieur du bâtiment. La même chose se reproduit les nuits suivantes, et Mary reconnait finalement les voix de certains habitants du village, ainsi que leurs silhouettes. Elle se rend compte que ceux-ci se réunissent dans le but de prendre le pouvoir. Même son père semble prendre part à ces étranges réunions. Pourtant, quand elle aborde la question avec lui, il ne semble pas comprendre de quoi sa fille parle...
- "Les Sentinelles". Deux tours jumelles surplombent le quartier pauvre d'une ville d'Angleterre. L'une est habitée sans aucun problème par des familles. L'autre, par contre, est abandonnée et personne ne veut y vivre, mais sans avoir à y payer de loyer. Pourtant, un jour, la famille de Jan se retrouvant à la rue va venir s'installer dans la tour maudite. À partir de là, des événements très étranges vont arriver à la famille : le chien va mordre sa maîtresse comme s'il ne la reconnaissait pas, la mère va s'en prendre à sa fille sans aucune raison, puis enfin, le père va disparaître sans laisser de trace. Jan va alors partir en quête de la vérité et découvrir qu'un des logements de la tour est un passage vers une autre réalité, où l'Allemagne nazie (I hate these guys !) a vaincu et envahi l'Angleterre...

Il est toujours assez délicat de chroniquer une anthologie car par définition, il ne s'agit pas d'une œuvre en elle-même, mais de plusieurs réunies. Il y a donc forcément des histoires qui ressortent plus que d'autres. Cette anthologie Misty, même si elle est finalement très homogène et de très grande qualité, ne déroge pas à la règle. Mais vu qu'elle ne contient que cinq histoires, je vais donner mon avis sur chacune d'entre elles.
J'ai trouvé que "Les Sentinelles" étaient vraiment au-dessus de lot, que ce soit au niveau du scénario, signé Malcolm Shaw, ou du dessin, œuvre de Mario Capaldi. L'histoire qui débute comme une simple histoire de maison hantée, qui se révèle finalement être un portail entre deux mondes est tout simplement très bien pensée. Vu qu'il s'agit d'un récit en plusieurs épisodes, le scénariste a eu le temps de développer à la fois le monde, les personnages et surtout la tension inhérente à l'intrigue pour nous livrer une histoire qui se lit d'une traite et qui, bien qu'elle soit parfaitement menée du début à la fin, nous donne malgré tout l'envie d'en savoir plus sur cet univers, qui - à mon avis - aurait mérité au moins un épisode de plus pour approfondir la partie Angleterre nazie (I hate these guys !). On imagine facilement que si "Les Sentinelles" avaient été écrites de nos jours, les auteurs ne se seraient pas privés pour en faire une série. Quoiqu'il en soit, cela ne gâche en rien la qualité de cette histoire.
J'ai également beaucoup apprécié les deux histoires courtes que sont "Racines" (œuvre de Pat Mills et Maria Barrera Castell) et "L'ombre d'un doute" (signée Juan Ariza) qui sont des exemples d'efficacité graphique et narrative et qui sont tout simplement des nouvelles fantastiques. En effet, malgré leurs formats très courts (respectivement 5 et 4 pages), les histoires n'en sont pas moins bien développées et prenantes et possèdent une chute surprenante. Les dessins sont également très réussis et donnent réellement envie de lire les histoires. Là encore, on peut regretter que les auteurs n'aient pas eu quelques pages de plus pour exprimer tout leur talent.
Pour ce qui est de "Moonchild", cela est plus mitigé. Même si j'ai trouvé l'histoire de Pat Mills (qui s'inspire grandement de Carrie de Stephen King et de son adaptation cinématographique par Brian de Palma) plutôt bien construite et prenante, j'avoue avoir eu beaucoup de mal avec le trait de John Armstrong qui a failli plusieurs fois me faire sauter cette histoire. En effet, j'ai trouvé celui-ci très irrégulier, pouvant nous proposer du très bon et enchaîner avec des cases absolument pas maîtrisées, que ce soit en termes de dessins des personnages ou de cadrage. Cela est très dommage, car comme dit plus haut, le récit est plutôt réussi et parfaitement rythmé.
Enfin, "Les 4 visages d'Eve" est l'histoire qui m'a le moins emballé. J'ai trouvé l'idée de départ très intéressante (la jeune fille qui ne se souvient pas de son passé assortie d'une petite pincée de Frankenstein), et les dessins de Brian Delaney, bien que très épurés et dépouillés n'en sont pas moins agréables à l’œil. Mais le fait que Malcolm Shaw tire en longueur (une cinquantaine de pages) et joue sur les mêmes ressorts narratifs dilue malheureusement le propos et l'intérêt de l'histoire, que j'avoue avoir vu se terminer avec soulagement (d'autant plus que la conclusion est un peu en dessous également). C'est de nouveau très dommage, car objectivement elle avait tout pour être intéressante, mais l'alchimie n'a pas fonctionné ici (en tout cas, pas avec moi).

En conclusion, malgré le bémol concernant "Les 4 visages d'Eve", je dois dire que j'ai été plus qu’agréablement surpris par cette anthologie. Vu le public visé, je m'attendais à quelque chose d'un peu gnan gnan (au vu de ce qu'offrait la France à l'époque en matière de revues de BD pour les jeunes filles). Mais il n'en est rien ! On a affaire ici à de (très) bonnes histoires fantastiques qui s'adressent effectivement aussi bien aux filles qu'aux garçons, si ce n'est que les protagonistes sont tous des jeunes filles (ceci expliquant peut-être cela et inversement). 
Mis à part ça, je n'ai vu aucune différence entre ces histoires et celles que l'on pouvait lire dans des petits formats comme Janus Stark ou Antarès de Mon Journal (et qui étaient pourtant sensées d'adresser à un lectorat plus masculin). Peut-être s'agit-il tout simplement de bonnes histoires, donc, à même de plaire aux deux sexes ? 


Note : 15/20


Anthologie Misty
Delirium / 2018
ISBN : 979-10-90916-37-1
176 p. / 24€

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