mardi 29 janvier 2019

L'Arabe du futur - Tome 4 de Riad Sattouf

Après un tome 3 un ton en dessous, j'étais un peu partagé quand j'ai ouvert ce volume. Allais-je retrouver l'enthousiasme des deux premiers de la série, ou, au contraire, assister malgré moi à la lente dégringolade d'une histoire qui aurait normalement dû être racontée en trois parties et qui en comptera au moins le double... 

Riad, sa mère et ses frères vivent désormais en Bretagne, dans le village de sa grand-mère maternelle. De son côté, son père travaille désormais en Arabie Saoudite où il a accepté un poste à l'université de Riyad. Il espère ainsi réussir à gagner suffisamment d'argent pour pouvoir revenir s'installer en France et y vivre confortablement. Malheureusement, la distance fait que Riad et sa famille ont très peu de contacts avec lui et qu'ils semblent s'éloigner de plus en plus les uns des autres. De son côté, Riad, continue de dessiner et commence à penser de plus en plus aux filles...
Le père de Riad revient finalement vivre en France avec eux, mais il a changé. Lui qui était assez peu pratiquant semble désormais tout remettre en question à cause de sa foi, qui l'isole de plus en plus. Son épouse ne supportant absolument pas ça ce virage, ils passent leur temps à se disputer. 
Malheureusement pour elle, la grand-mère paternelle étant gravement malade, toute la famille doit retourner en Syrie, où Riad constate que rien n'a réellement changé, si ce n'est en pire pour lui, car il n'est plus un enfant. Il prend aussi conscience que le couple formé par ses parents n'en est plus un. S'en suivront plusieurs allers-retours avec la France, où Riad, sa mère et ses frères finiront par s'installer, sans leur père et mari. Ce dernier les rejoindra finalement et essaiera de se montrer moins obtus envers sa femme. Malheureusement, un événement incroyable va faire basculer la vie de la famille de Riad...

Comme indiqué dans mon introduction, j'avais été un peu déçu par le tome 3 et je n'avais donc pas réellement d'attente pour le présent volume. Je savais qu'au pire je passerai un bon moment de lecture, mais sans plus et au mieux, mon intérêt pour la série se trouverait réveillé. C'est finalement la seconde hypothèse qui se révèle ici être la bonne.
En effet, ce tome qui est un chouïa plus épais les précédents (288 pages contre 160 auparavant), est une vraie réussite. Que ce soit dans l'histoire de la famille, la sienne propre (avec la "découverte" des filles ou l'arrivée de l’acné) et la manière de les raconter, Riad Sattouf prouve qu'il est vraiment un conteur hors-pair. Il arrive toujours à trouver le juste équilibre entre les moments graves et ceux plus légers, et surtout à montrer que malgré tout, que ce soit en Bretagne ou en Syrie, il a vécu de très bons moments dans les deux pays, qui sont parties intégrantes de son identité.
Mais ce volume n'est pas que plus épais que les autres, il possède également une atmosphère beaucoup plus grave, l'auteur passant ici de l'enfance - et de l'innocence - à la puberté - et sa prise de conscience du monde. L'enfance semble d'ailleurs prendre réellement fin à la dernière page du livre, lorsque l'on apprend ce qu'a fait le père de Riad Sattouf. Ce drame que l'on sent venir tout le long de l'histoire - sans pour autant en deviner la nature - tant les parents semblent avoir atteint un point de non-retour, dû aux différences culturelles qui se font de plus en plus flagrantes et surtout à leur évolutions personnelles qui ont pris des directions diamétralement opposées.
D'ailleurs, alors que dans les autres volumes, on sentait une vraie tendresse de Riad envers son père, qui arrivait à nous montrer que malgré ses défauts et ses fanfaronnades, il était avant tout humain, dans ce tome, le ton de l'auteur a réellement changé. Comme indiqué plus haut, le fait sans doute de sortir de l'enfance et de comprendre plus de choses qui l'entourent qu'auparavant a sans doute joué dans cela. J'avais d'ailleurs eu l'impression quelque fois que sous couvert d'autobiographie, l'auteur était plutôt en train de raconter la vie de son père, Abdel Razak. Ici, nous sommes presque dans une sorte de portrait à charge qui peu - à certain moment - paraître un peu excessif, mais qui tout à fait compréhensible une fois lu la dernière page. Ce changement de ton est donc à mon avis un peu raide, car nous ne savons pas ce qu'a pu vivre Abdel Razak pour qu'il se radicalise ainsi. Peut-être aurons-nous cette réponse dans le ou les tomes suivants. Ou Pas ?

En ce qui concerne les dessins, nous avons ici affaire à un Riad Sattouf de compétition qui arrive toujours à saisir avec justesse les traits, les mimiques ou les postures, propres à amplifier soit le côté comique, soit le côté dramatique des personnages ou des situations. Il semble avoir réussi à encore plus épurer son trait, ne conservant que l'essentiel. Ceux qui le suivent depuis de début - et donc apprécie ce genre de dessins seront aux anges. Pour les autres, qui sont un peu plus réticents, ce tome-ci ne les fera pas changer d'avis, bien au contraire !
Nous retrouvons également ici les deux colorisations distinctes bleue pour la France et rose pour la Syrie qui ont fait la particularité et l'identité de la série.

En conclusion, ce tome qui est donc excellent, à vraiment relancer - et réveiller - mon intérêt pour cette série. Riad Sattouf réussissant le tour de force de ne jamais tomber dans le mélo, ce qui aurait pourtant pu être fait, au vu du coup de théâtre final. En alternant les moments comiques, les souvenirs parfois naïfs de son enfance et les moments de tension, il arrive à trouver un équilibre et un rythme qui font que ces presque 300 pages se lisent d'une traite. Ce volume se terminant - comme le précédent - sur un cliffhanger de folie, va rendre l'attente jusqu'au prochain tome très longue et très difficile !

Note : 17/20


L'Arabe du futur - Tome 4 de Riad Sattouf
Allary Éditions / 2018
ISBN : 978-2370730541
288 p. / 25,90€

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