Troisième fournée de nouvelle, avec cette fois-ci une des premières histoire (très) courte que j'ai pu mené à son terme (en 1997).
A l'époque, je venais de lire "Le Golem" de Gustav Meyrink, et j'avais envie d'écrire un texte très court sur ce sujet. C'est en passant devant les restes d'un pavillon incendié, que l'idée directrice m'est venue. Pourquoi la mettre sur ce blog aujourd'hui ? Seulement parce qu'en tombant sur cette couverture de Steve Ditko, cela a fait tilt !
Comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à me
faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore
présentes ! Bonne lecture !
« Un incendie a complètement détruit, dans la nuit d’hier à aujourd’hui, la demeure de Robert R. aucun corps n’a encore été retrouvé dans les ruines, mais tout semble indiqué pourtant, que le propriétaire du pavillon se soit trouvé à l’intérieur de celui-ci. Les voisins l’ayant vu rentré chez lui peu de temps avant le début présumé de l’incendie. Un témoin est même persuadé l’avoir aperçu à une fenêtre du grenier.
Les autorités compétentes continuent toujours de fouiller les décombres
dans l’espoir de retrouver des restes de la victime, mais ceci sans trop y
croire. La maison, entourée par d’autres habitations, n’offrant pas
d’échappatoire autre que la rue.
Le mystère reste donc entier. »
Alors que je lisais mon
journal comme chaque matin, mon attention fût attirée par cet entrefilet de la
rubrique des faits-divers, le nom de la victime ne m’étant, en effet, pas
étranger.
Il vint me voir un jour pour
me raconter son histoire. « Une histoire incroyable » me dit-il.
Je fus quelque peu surpris,
car bien que médecin, je n’avais pas l’habitude de recevoir en consultation des
personnes, uniquement pour les entendre me parler de leur vie ou de leurs
élucubrations.
Je lui fit savoir, mais il
semblait ne pas m’entendre. Je décidais donc de le laisser faire, et de lui
prescrire ce qui conviendrait le mieux à son cas, une fois qu’il m’aurait
révéler son incroyable histoire.
J’ai décidé de la restituer
telle qu’il me l’a conté, c’est à dire un long monologue ; sans que je
pense ou je ne veuille intervenir, suivant le cas.
« Je ne vais pas y
aller par quatre chemins, docteur. Je suis fait de cire. Cela va sans doute
vous paraître fou, peut-être même pensez-vous que c’est moi qui suis fou, mais
s’il vous plait, ne dites rien. Je vous demanderais une demi-heure d’attention
et après, vous n’entendrez plus parler de moi, je vous le promets. Plus jamais
je ne reviendrais vous importuner.
Comme je vous le disais
donc, je suis en cire, comme vous vous êtes de chair et de sang. Je suis né
comme cela, ou plutôt, j’ai été créé comme cela.
Je ne suis pas humain. Je
suis plutôt ce qu’on peut appeler un « Golem », même si je rechigne à
utiliser ce mot qui m’est réellement destiné.
Mon créateur, un vieux
rabbin d’Europe de l’est, m’a donné la vie il y a de cela environ trente ans.
Il a fait cela car il n’avait jamais pu avoir le fils qu’il désirait tant, sa
femme ne lui ayant donné que des filles.
Il est tombé par hasard sur
un vieil ouvrage de magie blanche, qui s’appuyait sur la Kabbale. Après
avoir lu le chapitre concernant les Golems, ces poupées auxquelles on donnait
vie avec des formules magiques rédigées sur des petits papiers que l’ont insère
dans le corps de celles-ci, il se décida donc très rapidement.
Il désirait créer son fils
par ce moyen.
Après quelques essais
infructueux, il trouva enfin le geste juste, et ainsi, je vis le jour.
Malheureusement pour moi, je
fus fait en cire. En effet, mon père, pour me donner une figure la plus vivante
possible, avait décidé de me fabriquer en cette matière et non en pierre ou en
terre, comme cela se faisait habituellement. Il trouvait les mannequins de cire
des musées tellement vivants…
Le vieux rabbin était
vraiment très heureux, mais sentant que sa femme, et surtout ses filles,
voyaient d’un mauvais œil ses expériences magiques, il décida de me cacher
d’elles. Je vécu donc comme un proscrit pendant environ trois ans, dans le
petit cabanon du jardin qui servait d’atelier et de bureau à mon créateur.
Je sortais avec lui dès que
je le pouvais, et quand il croisait une de ses connaissances, il me présentait
comme un de ses neveux. Je profitais du reste du temps pour lire tous les
livres que pouvait me fournir le rabbin.
Puis un jour, ce qui devait
arriver arriva. Sa femme découvrit mon existence et me chassa de la maison.
Quand mon père apprit cela, il tomba malade, malade de chagrin. Et il mourût un
mois plus tard, sans être sorti de son marasme.
Bien sûr, quand je fus mis
au courant de son état de santé, j’essayais à plusieurs reprises de me rendre à
son chevet, mais sa femme et ses filles me fermèrent la porte au nez,
m’accusant de la maladie de leur homme.
Je partis alors pour
toujours, quittais ce pays et le malheur que j’y avais causé. Après des
pérégrinations, je me retrouvais ici, dans votre pays, me faisant passer pour un
réfugié politique.
Je recommençais tant bien
que mal une nouvelle vie, une vie normale d’humain.
Tout se passait bien,
j’étais heureux, et je passais tout mon temps libre à traîner dans les
bibliothèques, à dévorer les livres, et m’émerveillant quand j’en trouvais un
sur les Golems, (chose qui, malheureusement n’était pas très courante dans les
bibliothèques municipales).
Puis un jour, je tombais nez
à nez avec une de mes « sœurs ». Celle-ci ne paru pas étonnée de me
trouver ici, au contraire. Elle me dit alors ceci :
« Tu es responsable de
la mort de mon père, tu dois payer pour cela, et soit moi, soit un de mes fils
va te retirer la vie que t’as donné le rabbin et que tu ne mérites pas. »
A ces mots, je partis en
courant. Je n’avais qu’une idée en tête, rentrer chez moi et me protéger. Au
moins dans ma maison, j’étais en sécurité.
C’est du moins ce que je
pensais à l’époque, car deux ou trois mois après, alors que je commençais à
oublier cette rencontre désagréable, je fus victime d’un incendie.
Je m’en sortis avec beaucoup
de chance, mais ceci n’était qu’un avertissement. En effet, alors que
j’emménageais dans la maison que j’habite actuellement, je reçu une lettre
indiquant que la prochaine fois serait la bonne.
C’est pour cette raison que
j’ai décidé de me confier à quelqu’un, n’importe qui, un nom pris au hasard
dans l’annuaire, pour que l’on connaisse mon histoire, ma nature et surtout mes
tueurs.
Il est beaucoup plus facile
de se confier à un inconnu qu’à quelqu’un que l’on connaît. »
Et il termina ainsi, alors
que je restais ahuri :
« S’il vous plait,
regarder tous les jours les pages des faits-divers, et si vous y voyez mon nom,
dites cette prière, cela m’aidera peut-être à trouver le repos éternel. »
Il me tendit alors un petit
rouleau de papier couvert de lettres hébraïques, ainsi qu’une feuille sur
laquelle était écrite une traduction en phonétique, afin que je puisse la
déchiffrer, et surtout que je ne l’écorche pas, afin qu’il puisse être en paix
jusqu’à la fin des temps.
« Et surtout, ne tentez
rien contre mes tueurs, cela ne sert à rien, et surtout personne ne vous
croirait. »
Puis il sortit comme il
était venu.
Aujourd’hui, comme il me
l’avait demandé, je vais lire sa prière à haute voix, afin que cet homme de
cire, qui était plus humain que nombre de mes semblables, ait pour toujours un
repos bien mérité, comme il me l’a dit, et qu’il le passe auprès de son père,
dans n’importe quel endroit que ce soit.
Je tiens aussi à signaler
qu’à la suite d’un témoignage, un des petits-fils du rabbin a été arrêté et
condamné pour l’incendie criminel qui a coûté la vie à son « oncle ».
Il ne semblait pas regretter
son geste.
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