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mercredi 20 novembre 2013

Nouvelle : Saletés d'insomnies !

Aujourd'hui, la première nouvelle que j'ai mené à son terme, il y a de cela très longtemps. Donc merci d'être indulgent !
Comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à me faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore présentes ! Bonne lecture !


Il est sept heures. Il faut que je me lève sinon je ne serais jamais à l'heure pour aller au lycée. Impossible de bouger, je me sens faible, j'essaie d'appeler  mes parents, mais aucun son ne sort de ma bouche. Bah ! Ce n'est pas grave, sans doute un manque de vitamine, le médecin m'avait prévenu. Quand même, il est déjà sept heures et demie, ce coup de pompe dure longtemps.

Tiens ! Ma mère arrive, je ne comprends pas ce qu'elle me dit, ses lèvres remuent mais aucune sonorité ne parvient à mes oreilles. J'essaie de lui répondre, mais c'est encore pire qu'avant, je ne peux même plus ouvrir la bouche.
 Mon père est maintenant auprès de ma mère, que font-ils ? Ils ont l'air inquiet. Maudite grippe ! J'en suis certain que s’en est une. Je ne peux plus bouger, la grippe me cloue toujours au lit avec de la fièvre. Essayons de leur faire un clin d'œil, c'est horrible, mes paupières ne bougent plus, vivement que le docteur arrive, vu comment sont mes parents, ils ont dut l'appeler.
Le médecin est enfin arrivé, il va m'ausculter, et rassurer ma famille. Le docteur avait un air grave quand il s'aperçût que son coup de marteau sur mon genou n'avait produit aucun effet. Sa lampe de poche m'a ébloui quand il l'a pointé vers moi. Je n'ai pus clore mes yeux, et cela n'a pas beaucoup plus au médecin, car il a fait une drôle de tête.
Je dois être gravement malade, car on m'a emmené à l'hôpital. Je suis dans une chambre toute blanche, toute reposante, et pour une fois, je ne sens pas les draps amidonnés, typiques des hôpitaux. A part cela, je n'arrive pas à m'endormir.

Je suis heureux, je recommence à sentir. En effet, une très jolie personne à l'air morne m'a passé une étiquette retenue par un fil, et ceci à mon gros doigt de pied gauche. Et pour une fois, depuis ce qui me semble être une éternité, je ressens quelque chose.
 Par contre, on m'a encore changé de chambre, et dans celle-ci, il n'y a pas le chauffage. Ce n'est pas comme cela que je vais vite me remettre. Par ailleurs,  j'ai beau compter les moutons,  je ne dors toujours pas.

 Je n'ai pas le moral, mes sensations ont de nouveau disparues, sans doute à cause du froid qui règne dans cette pièce,  j'en suis tout engourdi. Plusieurs personnes, des médecins au vu de leurs masques, m'ont, semble-t-il, ausculté. Certains avec des objets ressemblant fortement à des scalpels. Toutefois, ça ne peut être une opération, ils m'auraient anesthésié auparavant, et j'aurais enfin pu dormir.

Ce n'est plus possible, je suis constamment bousculé ! On m'a encore changé de place. Néanmoins, je dois être sur la voie de la guérison, car on m'a habillé de la tête aux pieds, ce qui n'est pas arrivé depuis fort  longtemps. A part cela, je suis mort de fatigue.

On m'a placé dans une espèce de lit en bois, très confortable, pour le peu de sensations que je ressens. Je pense que ma maladie, qui devait être contagieuse, ne l'est plus. Les médecins ont dû lever la quarantaine, car j'ai enfin revu du monde. En effet, depuis mon admission à l'hôpital, ma famille ne venait plus me voir, et là, ils sont tous ici, même mon vieil oncle que je n'ai plus revu depuis au moins cinq ans. Ils pleurent tous, sans doute le bonheur de me savoir tirer d'affaire. Mais, que font-ils ? Ils se retirent tous, il n'y a que mes parents qui restent, avec ma petite sœur. Elle va recommencer à me taquiner, j'en suis certain. Qu'est ce que je disais, elle me jette une rose sur mon beau costume. Tiens, je n'avais même pas remarqué le couvercle au lit de bois, c'est sans doute une caisse, qu'est ce qu'ils ne vont pas inventer !

Mais ! Que fait cet homme ? Il referme le couvercle de la boite. Et voilà, il fait noir, j'espère que cela ne va durer trop longtemps. Un malade a besoin de la lumière du soleil. Quoique dans mon cas, un peu de noir me fasse du bien pour dormir.

Un milliard cinq cent cinquante sept millions deux mille treize... On ne m'a toujours pas rouvert, alors pour passer le temps, je compte, un milliard cinq cent cinquante sept millions deux mille quatorze... Ce n'est pas marrant, en plus je n'arrive toujours pas à dormir. Un milliard cinq cent sept millions deux mille quinze... Et si l'on m'avait oublié ici ? Cela me rappelle les histoires sur les personnes enterrées vivantes, il ne manquerait plus que ça que je sois enterré vivant. Un truc encore plus dingue, et s'ils m'avaient enterré parce que j'étais mort ? Non, décidément je suis trop con ! Quoiqu'il en soit, on ne m'y reprendra plus à prendre mon valium en buvant du whisky. J'aurai mieux fait de ne pas avaler tout le tube, et ne pas boire toute la bouteille...

Saletés d'insomnies !   




mercredi 23 octobre 2013

Nouvelle : L'homme de cire

Troisième fournée de nouvelle, avec cette fois-ci une des premières histoire (très) courte que j'ai pu mené à son terme (en 1997). 
A l'époque, je venais de lire "Le Golem" de Gustav Meyrink, et j'avais envie d'écrire un texte très court sur ce sujet. C'est en passant devant les restes d'un pavillon incendié, que l'idée directrice m'est venue. Pourquoi la mettre sur ce blog aujourd'hui ? Seulement parce qu'en tombant sur cette couverture de Steve Ditko, cela a fait tilt ! 
Comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à me faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore présentes ! Bonne lecture !



« Un incendie a complètement détruit, dans la nuit d’hier à aujourd’hui, la demeure de Robert R. aucun corps n’a encore été retrouvé dans les ruines, mais tout semble indiqué pourtant, que le propriétaire du pavillon se soit trouvé à l’intérieur de celui-ci. Les voisins l’ayant vu rentré chez lui peu de temps avant le début présumé de l’incendie. Un témoin est même persuadé l’avoir aperçu à une fenêtre du grenier.
Les autorités compétentes continuent toujours de fouiller les décombres dans l’espoir de retrouver des restes de la victime, mais ceci sans trop y croire. La maison, entourée par d’autres habitations, n’offrant pas d’échappatoire autre que la rue.
Le mystère reste donc entier. »

Alors que je lisais mon journal comme chaque matin, mon attention fût attirée par cet entrefilet de la rubrique des faits-divers, le nom de la victime ne m’étant, en effet, pas étranger.

Il vint me voir un jour pour me raconter son histoire. « Une histoire incroyable » me dit-il.
Je fus quelque peu surpris, car bien que médecin, je n’avais pas l’habitude de recevoir en consultation des personnes, uniquement pour les entendre me parler de leur vie ou de leurs élucubrations.
Je lui fit savoir, mais il semblait ne pas m’entendre. Je décidais donc de le laisser faire, et de lui prescrire ce qui conviendrait le mieux à son cas, une fois qu’il m’aurait révéler son incroyable histoire.
J’ai décidé de la restituer telle qu’il me l’a conté, c’est à dire un long monologue ; sans que je pense ou je ne veuille intervenir, suivant le cas.

« Je ne vais pas y aller par quatre chemins, docteur. Je suis fait de cire. Cela va sans doute vous paraître fou, peut-être même pensez-vous que c’est moi qui suis fou, mais s’il vous plait, ne dites rien. Je vous demanderais une demi-heure d’attention et après, vous n’entendrez plus parler de moi, je vous le promets. Plus jamais je ne reviendrais vous importuner.
Comme je vous le disais donc, je suis en cire, comme vous vous êtes de chair et de sang. Je suis né comme cela, ou plutôt, j’ai été créé comme cela.
Je ne suis pas humain. Je suis plutôt ce qu’on peut appeler un « Golem », même si je rechigne à utiliser ce mot qui m’est réellement destiné.
Mon créateur, un vieux rabbin d’Europe de l’est, m’a donné la vie il y a de cela environ trente ans. Il a fait cela car il n’avait jamais pu avoir le fils qu’il désirait tant, sa femme ne lui ayant donné que des filles.
Il est tombé par hasard sur un vieil ouvrage de magie blanche, qui s’appuyait sur la Kabbale. Après avoir lu le chapitre concernant les Golems, ces poupées auxquelles on donnait vie avec des formules magiques rédigées sur des petits papiers que l’ont insère dans le corps de celles-ci, il se décida donc très rapidement.
Il désirait créer son fils par ce moyen.
Après quelques essais infructueux, il trouva enfin le geste juste, et ainsi, je vis le jour.
Malheureusement pour moi, je fus fait en cire. En effet, mon père, pour me donner une figure la plus vivante possible, avait décidé de me fabriquer en cette matière et non en pierre ou en terre, comme cela se faisait habituellement. Il trouvait les mannequins de cire des musées tellement vivants…

Le vieux rabbin était vraiment très heureux, mais sentant que sa femme, et surtout ses filles, voyaient d’un mauvais œil ses expériences magiques, il décida de me cacher d’elles. Je vécu donc comme un proscrit pendant environ trois ans, dans le petit cabanon du jardin qui servait d’atelier et de bureau à mon créateur.
Je sortais avec lui dès que je le pouvais, et quand il croisait une de ses connaissances, il me présentait comme un de ses neveux. Je profitais du reste du temps pour lire tous les livres que pouvait me fournir le rabbin.

Puis un jour, ce qui devait arriver arriva. Sa femme découvrit mon existence et me chassa de la maison. Quand mon père apprit cela, il tomba malade, malade de chagrin. Et il mourût un mois plus tard, sans être sorti de son marasme.
Bien sûr, quand je fus mis au courant de son état de santé, j’essayais à plusieurs reprises de me rendre à son chevet, mais sa femme et ses filles me fermèrent la porte au nez, m’accusant de la maladie de leur homme.
Je partis alors pour toujours, quittais ce pays et le malheur que j’y avais causé. Après des pérégrinations, je me retrouvais ici, dans votre pays, me faisant passer pour un réfugié politique.
Je recommençais tant bien que mal une nouvelle vie, une vie normale d’humain.
Tout se passait bien, j’étais heureux, et je passais tout mon temps libre à traîner dans les bibliothèques, à dévorer les livres, et m’émerveillant quand j’en trouvais un sur les Golems, (chose qui, malheureusement n’était pas très courante dans les bibliothèques municipales).

Puis un jour, je tombais nez à nez avec une de mes « sœurs ». Celle-ci ne paru pas étonnée de me trouver ici, au contraire. Elle me dit alors ceci :
« Tu es responsable de la mort de mon père, tu dois payer pour cela, et soit moi, soit un de mes fils va te retirer la vie que t’as donné le rabbin et que tu ne mérites pas. »

A ces mots, je partis en courant. Je n’avais qu’une idée en tête, rentrer chez moi et me protéger. Au moins dans ma maison, j’étais en sécurité.
C’est du moins ce que je pensais à l’époque, car deux ou trois mois après, alors que je commençais à oublier cette rencontre désagréable, je fus victime d’un incendie.
Je m’en sortis avec beaucoup de chance, mais ceci n’était qu’un avertissement. En effet, alors que j’emménageais dans la maison que j’habite actuellement, je reçu une lettre indiquant que la prochaine fois serait la bonne.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de me confier à quelqu’un, n’importe qui, un nom pris au hasard dans l’annuaire, pour que l’on connaisse mon histoire, ma nature et surtout mes tueurs.
Il est beaucoup plus facile de se confier à un inconnu qu’à quelqu’un que l’on connaît. »

Et il termina ainsi, alors que je restais ahuri :
« S’il vous plait, regarder tous les jours les pages des faits-divers, et si vous y voyez mon nom, dites cette prière, cela m’aidera peut-être à trouver le repos éternel. »

Il me tendit alors un petit rouleau de papier couvert de lettres hébraïques, ainsi qu’une feuille sur laquelle était écrite une traduction en phonétique, afin que je puisse la déchiffrer, et surtout que je ne l’écorche pas, afin qu’il puisse être en paix jusqu’à la fin des temps.
« Et surtout, ne tentez rien contre mes tueurs, cela ne sert à rien, et surtout personne ne vous croirait. »
Puis il sortit comme il était venu.

Aujourd’hui, comme il me l’avait demandé, je vais lire sa prière à haute voix, afin que cet homme de cire, qui était plus humain que nombre de mes semblables, ait pour toujours un repos bien mérité, comme il me l’a dit, et qu’il le passe auprès de son père, dans n’importe quel endroit que ce soit.

Je tiens aussi à signaler qu’à la suite d’un témoignage, un des petits-fils du rabbin a été arrêté et condamné pour l’incendie criminel qui a coûté la vie à son « oncle ».
Il ne semblait pas regretter son geste.




mercredi 25 septembre 2013

Nouvelle : Toute la mystique que j'aime

Allez, Deuxième fournée de nouvelle. On continue avec une autre nouvelle, datant de 2005. Cette fois-ci, point de superhéros (quoi que pour certains compatriotes, la personne à l'origine de l'histoire en soit un), mais un troubadour messie ou un truc dans le genre. J'ai écrit cette histoire après avoir zappé sur un concert de la star et m'être fait la réflexion qu'il ne se ressemblait plus du tout. Je me suis alors dit qu'il avait été remplacé par un sosie, et que cela durait sûrement depuis très longtemps, vu qu'on nous cache tout et qu'on nous dit rien (même à propos de la machine à transpirer).
N'hésitez surtout pas à me faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore présentes ! Bonne lecture !




La légende dit qu’Il n’est pas mort, mais qu’il a pris congé de la vie. Il s’est assoupi et s’est réveillé sous la forme d’un husky. Depuis, Il parcourt l’Ouest Lointain, le territoire de chasse des Ses ancêtres, en quête perpétuelle du raccourci spirituel.

La légende de Johnny


Je m’appelle Jean-Jean-Philippe Paimpol. Je suis né à Paris et vous me connaissez peut être mieux sous le nom de Johnny Bollyday.
Le jour de ma naissance un éléphant est mort. Depuis ce jour, je porte un pantalon pattes d’eph’ pour lui rendre hommage.

J’ai choisi mon nom de scène en hommage à Bollywood, dont j’adore les films. En plus, à notre époque, c’est un petit dur de trouver un nom de scène qui ne soit pas déjà pris.
Comme vous l’avez sans doute compris, je suis sosie de Johnny Hallyday.
Je ne dis pas sosie officiel, car cela n’existe plus. A une époque très reculée, quand Il était encore sur terre, les sosies officiels étaient aussi répandus que les fausses dents dans la bouche d’Antoine. Malheureusement, maintenant, cela n’est plus le cas. L’église johnny noyaute tout et tout le monde. Elle considère comme un blasphème le fait de vouloir ressembler à Johnny sans être Johnny régnant.
A ce titre, on peut dire que je ne suis rien.
Je ne suis rien, mais j’apporte du bonheur au petit peuple qui n’a pas le moyen de se payer les places hors de prix pour les concerts du Johnny.
Mes musiciens, mes choristes et moi, nous nous produisons dans les campagnes, les petites villes de province et tous les bleds pourris dans lesquels le Johnny ne se rend jamais.
Nous sommes hors-la-loi. Nous n’avons pas le droit de faire ce que nous faisons, puisque nous n’avons pas l’autorisation de Saint-Tropez. Mais nous le faisons quand même car nous considérons cela comme une mission de salut public.

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Au tout début, ça a été le chaos. Tout de suite après Sa mort, des millions de fans aux quatre coins de l’hexagone se sont retrouvés orphelins. Il avait été leur guide, leur lumière pendant près d’un siècle et sa disparition au cours de son quatorzième Paris-Dakar –  alors qu’il était à la recherche d’un raccourci que jamais il ne trouva – aussi tragique qu’inattendue ne leur avaient pas permis de s’y préparer. S’il avait agonisé pendant des mois sur son yacht ancré dans les mers du sud comme son grand ami Yvan-Chrysostome Dolto (Carlos) rongé par la maladie du poulpe, ses millions de fans auraient été préparé mentalement et psychologiquement.
Mais si cela avait été le cas, peut être que la saga se serait arrêtée à ce moment-là.
Nous sommes tous convaincus que cela aurait changé la face du monde.

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Dans les villes que nous visitons en tournée, il nous arrive très souvent de tomber nez à nez avec des officiels de l’église. En général, ils nous demandent de partir sans faire d’esclandres ni notre concert. Ceux de l’église officielle sont tellement sûrs de leur supériorité et de leur bonne foi, qu’ils nous laissent partir sans plus de problème.
Le plus embêtant, c’est quand nous rencontrons ceux de l’autre église. La non-officielle. Eux, ont encore moins de légitimité que nous, les sosies, mais cela ne les empêchent pas de se prendre pour des caïds. Avec eux, ils nous arrivent régulièrement d’en venir aux mains.

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Au début donc, était le chaos.
De toutes parts, des initiatives plus maladroites les unes que les autres virent le jour. Les sosies – que leurs noms et images soient maudits jusqu’à la fin des temps – essayèrent d’occuper le trône laissé vacant. Mais leur manque de talent criant lassèrent les millions de fans, qui les lapidèrent sur la place du village de Saint-Tropez, comme le veut la tradition.
Puis d’autres eurent l’idée d’une Star Academy entièrement dédiée à Johnny, dont celui qui en sortirait vainqueur aurait le droit de prétendre continuer d’écrire l’histoire de l’Idole.
L’idée n’était pas si mauvaise que cela, mais l’opinion publique – sans parler des fans – fut très secouée quant au choix final du jury. Johnny Blakyday – Noir c’est noir – fut ainsi déchu de son titre, et, furieux, parti fondé une entité concurrente, bien entendu non reconnue par l’église officielle. Il fut ainsi le premier antijohnny de l’histoire. Ses successeurs à la tête de cette secte sont moqués et raillés par l’entourage du Johnny, qui les a affublés du sobriquet d’antoine.

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Moi, je n’ai jamais eu envie de rentrer dans les ordres johnny. Lui, n’avait jamais fait ça. Il était Johnny depuis sa naissance. Il s’est construit tout seul, sans l’aide de personne. On ne lui a pas dicté ce qu’Il avait à faire. Il le savait. Il savait où Il allait et comment faire pour y parvenir.
Pour moi, c’est pareil.
J’ai toujours su que j’étais comme Lui. Que j’étais Lui, d’une certaine manière.
Tant pis si ces intégristes considèrent ça comme un blasphème, mais c’est la stricte vérité. Je me suis toujours senti Johnny, et je n’ai donc pas jugé nécessaire de suivre tout ce cursus à la con. Cette machine à fabriquer des ersatz insipides.
Moi, je me suis fait seul à la force du poignet. Comme mon père avant moi et son père avant lui et ainsi de suite depuis la nuit des temps.
Dans la famille, nous sommes sosie de père en fils depuis toujours. Nous sommes même fiers d’avoir compté dans nos rangs, la seule femme sosie de Johnny, mon arrière-arrière-arrière grand-mère. Une sacré bonne femme qui avait poussé le mimétisme si loin qu’elle s’était laissé pousser le bouc et avait même épousé une femme plus jeune qu’elle de trente cinq ans vers la fin de sa vie. Mais cela est une autre histoire.

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Puis, petit à petit les structures se mirent en place, jusqu’à prendre la forme que nous leur connaissons aujourd’hui.
Les johnny (sans majuscule) commencent leur éducation musicale dès l’âge de 14 ans avec des reprises de rockabilly et l’étude de la vie du Johnny originel.
Puis, s’ils sont déclarés assez talentueux et assez ressemblants, ils accèdent, trois ans plus tard, à la section yéyé où ils peaufinent leur déhanché malingre (les grosses cuisses sont éliminatoires) et contractent leur premier mariage.
Encore trois ans et ils passent en section twist (deux ans), mashed potatoes (un an), hippie (un an), psychédélique (trois ans), et enfin en section disco (un an). A l’issue de ces onze ans, ils doivent divorcer et obligatoirement avoir eu un enfant. Si ces deux règles ne sont pas respectées, ils sont exclus du cursus.
A partir de là, ils prêtent serment sur un livre de Tennessee Williams et retrouvent la vie civile, tout en continuant à méditer sur les textes de l’Idole. S’ils ont passé toutes ses épreuves, ils deviennent en général des officiants du culte, ou des professeurs au séminaire des johnnny ou encore des piliers de comptoirs, rouage très important pour la propagation de la bonne parole du Johnny originel.

A la mort du Johnny et si aucun Johnny naturel n’est apparu à la face du monde, ils se réunissent en conclave à Saint-Tropez, dans l’ancienne demeure d’Eddy Barclay et élisent le nouveau Johnny parmi eux.

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Ma mère en est persuadée. Mon père aussi. Moi également. Sans aucun doute possible, je suis un Johnny naturel. Malheureusement pour moi, je ne suis pas né dans la bonne famille. Les miens ont toujours été vus d’un mauvais œil par l’église, à cause de notre activité de sosie. Nous sommes comme un caillou dans la santiag du Johnny.
Vous pouvez être sûrs que si j’avais vu le jour dans une parfaite petite famille de johnny de banlieue ou même au Viêt-Nam, les émissaires du Johnny seraient venus à moi dans la demi-heure ayant suivi ma naissance, les bras chargés de cadeaux prestigieux : le disque d’or, un magnum de Retiens la nuit et une paire de lunettes.
Au lieu de cela, je n’ai eu qu’une Sophie la girafe et un pyjama vert.

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Est appelé Johnny naturel toute réincarnation du Johnny originel. Suivant la cosmogonie et les résultats de l’équipe de France de football, les johnny mystiques déterminent dans quel endroit du monde le Johnny naturel viendra à la vie (Belgique, Viêt-Nam, Monaco). Lorsqu’il atteint l’âge de quatorze ans, le Johnny naturel dépose le Johnny en place. Pour l’instant, cela n’est arrivé qu’une fois avec Johnny XXII.

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Une fois le nouveau Johnny élu ou révélé, il choisit son costume. Le costume du Johnny est le symbole de sa politique musicale, de son univers de scène. Le costume choisi ne peut être changé. Cela serait considéré comme un blasphème, puisque seul le Johnny originel – qui a vécu plusieurs vies de son vivant – pouvait changer de costumes de scène.
Le Johnny actuel, Johnny XXXIX a pour costume de scène, celui de la période Mad Max (Palais des Sports 1982).

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Le nouveau Johnny, une fois élu ou révélé, ne peut écrire lui-même ses chansons. Cela serait considéré comme un blasphème puisque le Johnny originel ne le faisait pas Lui-même. Des documents tendant à prouver le contraire (le livret du disque Johnny chante Hallyday) mais ceci ne sont pas considérés comme canons et ont été déclaré apocryphes par Johnny XV.
Le nouveau Johnny devra s’entourer des plus mauvais auteurs-compositeurs de son époque, ou à défaut, des moins chers, et ceci afin de sublimer leur travail de scribouillard par sa force d’interprétation hors du commun.

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Des rumeurs circulaient ces temps-ci, faisant état de la naissance d’un clone parfait de Johnny. Un ingénieur mexicain, aidé par une équipe sud-coréenne aurait réussi à extraire des fibres de la Sainte Serviette – dernière serviette utilisée par Johnny et imprégnée de sueur, conservée dans une cuve à l’abris de l’air et de la lumière et humidifiée juste ce qu’il faut pour que la sueur ne sèche pas, mais pas trop pour que l’eau ne la dissolve pas – des traces d’ADN. Mais le plus incroyable était, d’après les journalistes, qu’ils avaient mis au point une cuve permettant de faire grandir et vieillir à une vitesse anormalement élevée. Si bien que, n’étant officiellement né que depuis trois mois, le clone présenterait aujourd’hui tous les signes de maturité d’un Johnny – à savoir, l’envie irrépressible de se remarier et de faire le Paris-Dakar.

Si cela devait se révéler être exact, cela pourrait signifier la fin du monde tel que nous le connaissons.

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Je ne sais pas si je dois en être fier ou en avoir honte, mais je suis directement responsable de la chasse à l’homme dont sont victimes les johnny non officiels depuis presque un an maintenant.
J’étais en concert dans une petite ville de Normandie et tout se passait bien. J’avais enchaîné tous les plus grands tubes de Notre Idole sans aucun accroc. J’étais bon. Je le savais. Le public le savait et ils sentaient que quelque chose de mystique se tissait entre nous.
Le ciel était avec moi, les éléments étaient avec moi, je n’avais même jamais autant transpiré de ma vie. J’étais en train de connaître le nirvana, sur scène, entouré de mon public.

Après une demi-douzaine de rappels, je sentis qu’il était temps pour moi de prendre congé de la foule. J’allais regagner les coulisses et retrouver ma mère (qui est mon manager), lorsque je croisais son regard. Je savais ce qu’elle voulait. Je n’osais vraiment y croire. Le moment était venu. Ce moment que j’attendais depuis toujours.
Je fis demi-tour et descendis de la scène par le devant.
J’avais atteint la maturité nécessaire pour traverser la foule, comme Johnny au Parc des Princes (1989).
Ma mère me rejoignit dans la fosse et me jeta son blouson en cuir sur les épaules. Elle ne m’avait jamais laissé y toucher. Je le pris dans les mains et le soulevait au-dessus de ma tête.
Je pris une grande inspiration.
La traversée de la foule pouvait commencer.

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Johnny XXXIX voulait depuis longtemps mettre le holà en ce qui concernait les antoine, les johnny en free-lance, les sosies et autres johnny indépendants. Avec sa curie, dans son chalet de Gstaad, il planchait jour et nuit sur ce problème. Il voulait que son règne reste comme celui où tous les imposteurs, tous les manants, tous ceux qui salissaient la mémoire de Johnny, seraient éliminés une bonne fois pour toute.
Le cancer que représentaient tous ces mécréants, s’était propagé dans tous les organes sains de France, mais pas ailleurs. En Belgique ou en Suisse, voire même au Québec, l’église officielle régnait en maîtresse, sans partage.
Les johnny précédents avaient réussis à juguler ce problème dès le début, grâce à leurs liens privilégiés avec les présidents français qui leur avaient fournis, année après année, les dossiers des fuites fiscales des johnny indépendants.

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Tous les johnny, au moment où leur vie atteint l’âge de 60 ans, se doit d’avoir réalisé plusieurs choses : cinq mariages et quatre divorces, deux enfants légitimes et un adopté, une participation – au moins – au Paris-Dakar. Mais la chose qui fera d’eux un des plus grands johnny de leur génération, c’est la fuite fiscale. Beaucoup l’entreprennent, mais peu en sortent gagnants.
Certains, suivent à la lettre ce qu’a fait Johnny : c’est la méthode canon. Déménagement en Suisse, demande de naturalisation en Belgique (sur l’appui de quelques preuves branlantes expliquant que leur beau-père vivait Outre-quiévrain) et enfin, résidence à Monaco, pour payer moins d’impôts.
D’autres, préfèrent imaginer leur propre combine, arguant que Johnny n’a eu besoin de personne pour imaginer ce plan.
Les hauts dignitaires de l’église n’ont aucun problème pour leur fuite fiscale, s’ils suivent la méthode canon, grâce aux appuis qu’ils ont à la Présidence.
Mon grand-père l’a tenté et bien sûr, a été rattrapé par les policiers.

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La foule était en délire. Les femmes me regardaient avec envie, les hommes avec respect, les enfants avec des étoiles dans les yeux et les vieux avec leurs lunettes.
Le premier mètre fût le plus dur et me parût le plus long. Mais une fois en route, tout se passa très vite. Des bikers se mirent à mes côtés pour faire le service d’ordre et éviter tout débordement.
Je saluais les gens, embrassaient les enfants qu’ils me tendaient en leur disant la phrase rituelle : Que je t’aime. La foule me répondait à l’unisson par la même formule.
Nous étions en communion. Si je n’avais pas encore tant de temps à vivre – un johnny parfait ne doit pas trépasser plus jeune ou plus vieux que Johnny – j’aurais pu mourir heureux.
Mais, alors que le public se faisait un peu plus clairsemé, un homme d’une trentaine d’année, surgit et se jeta sur moi. Avant que mes gardes du corps n’aient eu le temps de réagir, il avait réussis à me poignarder deux fois, heureusement sans gravité. La premier coup n’avait fait qu’effleurer mon épaule nue – heureusement pour moi, le blouson de ma mère n’avait pas été atteint, auquel cas, elle m’aura sans aucun doute tuer de ses propres mains – et le second n’avait fait qu’une estafilade sur ma cuisse gauche.
Il fût maîtriser et passer à tabac par les bikers.
Malheureusement pour moi, il s’agissait d’un johnny venant de finir son séminaire, et sa bastonnade n’allait pas rester impunie, car il avait le bras long.

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Dès que Johnny XXXIX eût vent de ce qui venait se passer, il jubila. Il tenait enfin sa victoire sur les faux johnny.
L’agression contre son disciple lui servait sur un plateau d’argent la preuve qu’il attendait depuis des années : les faux johnny et leurs adeptes étaient ultraviolents et pervertissaient la parole d’amour de Johnny.
L’une des catéchèses était la suivante : quand Il chantait : « les coups, quand ils vous arrivent, oh oui, oh ça fait mal », il fallait comprendre les coups du sorts, les divorces, les ruptures etc.…. Et ceux-ci, ne servaient qu’à nous rendre plus fort. Il ne fallait en aucun prendre au pied de la lettre ces paroles divines, comme le faisaient les faux johnny.
Il allait réaliser dans le même temps la Grande Migration – le retour en France – car le président, en plus de promulguer le texte rendant hors-la-loi tous les johnny n’appartenant pas à l’église, il avait enfin accédé à la requête faite par les Johnny depuis des générations : la baisse d’impôts.
C’était une grande année pour eux et une annus horibilis pour nous autres.

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Ma mère vint me voir à l’hôpital où j’avais été amené après l’agression. Je devais y rester en observation pendant deux jours. Elle paraissait paniquée.
Elle m’expliqua qu’elle avait vu le journal télévisé et que Johnny XXXIX, en toute légalité, appelait à la croisade contre les faux johnny. Il était soutenu par le nouveau président de la république, qui avait, dans la journée, proclamée le johnnisme religion d’Etat. Il était même question, selon certains politologues et spécialistes des religions, que la Grande Migration ait lieu d’ici à la fin de l’année.
Elle était effondrée – on le serait à moins – et n’arrêtait pas de pleurer.
De mon côté, j’étais totalement abasourdi.
C’était la fin du monde tel que nous l’avions toujours connu.

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Dans les semaines qui suivirent, les arrestations et les rafles parmi les sosies, les antoine et les indépendants se multiplièrent. Jusqu’à présent, ma famille et mes amis étaient miraculeusement passés à travers les mailles du filet, mais cela ne saurait durer éternellement.
Je continuais malgré tout à faire mes concerts. Mais ceux-ci, au lieu de se dérouler sur des parkings de supermarchés ou des places de villages, se passaient dans des caves, voire dans les bois. Le public était plus restreint, mais plus connaisseurs aussi. Ils me demandaient des chansons que je n’avais guère eu l’occasion de chanter depuis longtemps, si ce n’est pour ma famille.
Mais je concluais toujours mon tour de chant par ma marque de fabrique : Quoi ma gueule ?
Je savais que chaque concert pouvait être le dernier, que je pouvais à tout moment voir débarquer les forces de l’ordre et les fanatiques du johnny du coin. Mais cela m’importait peu. Comme Johnny, je me moquais de la politique et de la loi. Mon seul maître était la musique, ma seule loi l’amour du public. Rien ne pourrait me stopper. Jamais.

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Bien sûr, ce qui devait arriver arriva. Un soir, alors que je venais à peine d’entamer Gabrielle pour faire plaisir à la femme de l’organisateur du concert, dont c’était l’anniversaire, les johnny, épaulés par la police, firent leur apparition dans la cave.
Ils arrêtèrent tout le monde. Personne n’en réchappa.
Bien sûr, les spectateurs en furent quittes pour une grosse amende et petite réprimande. De plus, ils devaient se rendre, dès le lendemain à l’église locale pour confesser tous leurs pêchés.
L’organisateur fût envoyé dans un camp de rejohnnisation, dans le sud de la France, afin d’y subir un lavage de cerveau.
Mes parents et moi, après un interrogatoire musclé au cours de notre garde à vue, fûmes envoyés en prison. En raison de leur grand âge, mes parents ne prirent que deux ans fermes et furent libérés pour bonne conduite au bout de huit mois.
Moi, grâce, ou à cause de mon pedigree, j’écopais de trente ans.
Au cours de mon procès, à l’annonce du verdict, je criais que si ma peine était si lourde et disproportionnée, c’était que Johnny XXXIX savait très bien qu’il n’était qu’un imposteur et que je devais être à sa place.
Ma petite tirade me permit d’avoir droit à un traitement de faveur par un maton qui venait d’être recalé à la sortie du séminaire pour avoir refuser de divorcer de sa première femme.

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Aujourd’hui, les poches de résistances des sosies et des antoine sont de plus en plus minces. La plupart se trouvent dans le maquis corse, regroupées sous la férule de Johnny Paoli. Des escarmouches – des concerts sauvages – ont lieu assez régulièrement et des attentats – des disques de sosies vocaux – sont commis assez souvent, surtout contre des musiques d’ambiances des banques, des postes et des trésors publics de la péninsule.
Cela durera encore longtemps. Il ne faut pas être Johnny pour le savoir.

Bizarrement, cela me parait maintenant bien loin.
Je suis en prison depuis presque dix ans, et j’espère sortir d’ici à deux ans, grâce à ma bonne conduite, le jeu des remises de peines et à ma nouvelle religion.
A la mort de mes parents – bien avant l’âge de Johnny – j’ai perdu la foi. J’ai compris que si Johnny laissait faire l’église officielle, c’était que celle-ci était dans le vrai. Et si cela était le cas, je ne pouvais plus croire en lui.
Un de mes codétenus me fit alors découvrir une nouvelle religion.
Elle était déjà très bien implantée aux Etats-Unis, mais était encore balbutiante en France. Il espérait bien, une fois sorti d’ici, coordonné les mouvements épars et les fédérer en une seule église, qui sera à même de combattre la suprématie de celle de Johnny.
Il me fit découvrir les paroles de ce dieu. Je connaissais déjà un petit peu sa vie, car les johnny le considèrent non pas comme un dieu, mais comme un simple messie ayant précédé de peu Johnny.
Pour mon codétenu et ses coreligionnaires, Johnny n’est qu’un imposteur et un plagiat. Mais heureusement, sa religion est tolérée par les johnny, car ses adeptes font de très bonnes premières parties. Et grâce à cela, j’espère réussir à gagner quelques années en me faisant passer pour une victime de persécution religieuse. Qui ne tente rien n’a rien.

Au bout de deux semaines, mon codétenu déclarait que j’étais fait pour être le chef de son église et dès lors, il s’en remit entièrement à moi. Je chantais le blues mieux que lui, et sans doute mieux que quiconque au monde. Je le savais.
Je le sentais.
Je m’étais fourvoyé sur la mauvaise voie.
J’avais suivi l’enseignement de la mauvaise foi.
Dès les premières paroles de Jailhouse Blues, je me sentis transcendé par l’esprit de la musique : le Blues. Toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du blues. En plus, l’univers carcéral renforçait encore plus l’atmosphère de la chanson.

Je me suis donc converti à l’Elvisme.

Je m’appelle Jean-Jean-Philippe Paimpol. Je suis né à Paris et vous me connaîtrez bientôt mieux sous le nom d’Elvis Bombay.

mercredi 14 août 2013

Nouvelle : Une super histoire !

Après la lecture de Watchmen, qui est vraiment un monument de la bande-dessinée, j'ai eu envie de vous faire partager une nouvelle écrite il y a une dizaine d'années, bien avant que je n'ai eu vent de l'existence de Watchmen. Malgré cela, j'ai trouvé certaines similitudes (même si je ne me compare en aucun cas à Alan Moore), et j'ai trouvé amusant de vous en faire profiter. J'inaugure donc, par la même occasion, une nouvelle catégorie de post : les nouvelles (au sens littéraire du terme). N'hésitez surtout pas à me faire remonter vos impressions et les fôtes d'orthogarphe encore présentes ! Bonne lecture !


Une super histoire

Peu de gens le savent, mais le premier superhéros que la Terre ait jamais connu était originaire de ce pays. Il se faisait appelé Monsieur Extraordinaire et sa véritable identité a été un secret jusqu’à sa mort récente, d’un cancer du pancréas, oublié de tous dans un foyer de SDF.
Peu de gens le savent, mais ce fût lui qui introduisit les éléments de base de la combinaison de super héros, à savoir le slip au-dessus du collant et la cape rouge qui permettait – selon les dires des enfants – de voler de plus vite qu’avec une cape bleue.

Mais peu de gens savent également, que ce fût lui qui abandonna ces deux signes distinctifs le premier. En ce qui concerne le slip, suite à la mort d’un jeune enfant empalé sur  une grille de square, dans laquelle la dite culotte s’était prise. Pour ce qui est de la cape, après avoir failli se rompre le cou en accrochant celle-ci dans une poignée de porte alors qu’il poursuivait des malfrats.
Ses suiveurs mirent un peu plus de temps à se rendre compte de tous ces inconvénients. Le prestige de l’uniforme étant plus important que tout. Malgré les risques de pendaison involontaires en sautant du deuxième étage d’un immeuble pour atterrir sur le dos d’un brigand ou sur un tas de poubelles. Malgré les tonnes de linge sale que cela entrainait, car même si vous êtes doté de super pouvoirs, ceux-ci ne peuvent rien contre la crasse et les mauvaises odeurs – à part peut-être ceux de Blanc de Blanc, mais cela est une autre histoire.

Après ces quelques lignes d’introduction et avant de rentrer dans le vif du sujet, je tiens à me présenter. Mon nom est Léopharus Marstingault. Et j’ai été – ou plutôt je suis encore, bien qu’à la retraite – moi aussi un super héros. Mon nom de scène était le Buvard – et cela n’a rien à voir avec un quelconque problème de boisson.

Un jour, il n’y avait pas de super héros, et le lendemain, il y en avait partout. Une génération spontanée d’êtres dotés de pouvoirs incroyables était née. Je me souviens qu’on ne pouvait plus toucher de pierre, d’arbre, se faire mordre ou piquer par le moindre insecte ou animal sans en récupérer les pouvoirs.  Les premiers touchés le furent à cause de leur travail ou de leurs études : Monsieur Extraordinaire, simple gars de la campagne débarqué en ville depuis peu, accepta un job mal payé dans une centrale nucléaire et fût exposé aux radiations. Le Rat Blanc fût mordu par un de ses animaux de laboratoire, et votre serviteur, simple gratte papier sans grade dans une bibliothèque de quartier, se coupa le doigt avec une feuille de papier buvard radioactive.

Je ne fis pas partie de la première vague de superhéros, mais plutôt de la seconde, d’où mes pouvoirs un peu en dessous de la moyenne. Il en va des super pouvoirs comme des places au stade, les plus intéressants partent en premier, et ensuite, il ne reste, hé bien que les restes.
Bien entendu, plusieurs superhéros se retrouvaient avec les mêmes pouvoirs, il leur fallait donc trouver un autre nom, original, mais assez facilement identifiable par le commun des mortels. Par exemple, pour ceux piqués par une araignée, on eut donc droit à : l’Araignée (le premier), suivit de la Mygale, de la Tarentule, puis, suite au décès de l’Araignée originelle dans un banal accident de la circulation (refus de priorité), la Nouvelle Araignée. Quand le catalogue des différents arachnéens fût utilisé en entier, les nouveaux rajoutèrent des couleurs ou des adjectifs. Inutile de vous dire que les voleurs n’étaient pas trop apeurés quand ils se retrouvaient en face de la Mygale Violette ou de l’Araignée Intrépide. Mais cela est une autre histoire, et vu mon nom, je suis assez mal placé pour juger.

Les premiers super héros, suivant l’exemple de Monsieur Extraordinaire, mirent leurs dons au service de la communauté pour faire le bien et stopper la montée grandissante de l’insécurité, liée à la crise économique. Ils ne demandaient pas grand-chose, juste un petit article de temps en temps dans le canard local, une photo d’eux serrant la paluche du maire et une médaille honorifique. C’était tout et c’était le bon temps. Je crois vraiment que nous avons aidé les gens à se sentir mieux.
Le problème, c’est qu’au fur et à mesure de la prolifération des super héros, il y a eu celle, symétrique, des super vilains. Bien entendu, si on était mauvais à la base, se faire piquer par une abeille ne vous transformait pas en pourfendeur du crime, au contraire. Vous voyiez tout de suite quels bénéfices tirer d’une telle situation, et vous vous faisiez appeler le Dard Maléfique ou une connerie dans le genre.

Cela c’est vraiment gâté quand les combats entre bons et mauvais prirent des proportions gigantesques.
Au début, le super héros castagnait un simple braqueur d’épicerie. Un uppercut, un doigt brisé et cela suffisait à l’arrêter. On déplorait tout au plus une cagette de tomates écrasées, et dans le pire des cas, une vitrine en miettes. Pas de quoi fouetter un chat. On faisait jouer l’assurance, le petit commerçant transformait sa boutique en musée du souvenir, les badauds accouraient et tout le monde était content.
Ensuite, quand le Docteur Explosion se frittait avec le Bulbe Atomique, on ne parlait plus d’une douzaine de fruits perdus. Il était question d’un quartier entier de la ville, de façades d’immeubles à ravaler, voire à reconstruire, de châteaux d’eau écroulés, de ponts détruits etc. etc.
Les simples gens subirent de plein fouet l’arrivée et la vie des super héros : les primes d’assurances explosaient, les impôts locaux itou. La grogne monta rapidement au sein de la population. Et tout ça pour quoi ? Pour que quelques gugusses en collants moulants se foutent sur la tronche et fassent plus de dégâts que s’ils s’étaient laissé vivre chacun dans leur coin.
Le Spectre du Soleil voulait dévaliser la Banque Centrale ? La belle affaire. Il pouvait tout au plus espérer en retirer 150 millions. Avec ceux-ci il aurait acheté une île du Pacifique (si possible sans lépreux) et aurait coulé une belle vie sans faire chier personne. Au lieu de cela, ce jour-là, Monsieur Extraordinaire allait justement retirer un peu d’argent de son compte épargne. Quand il vit ce qui se passait, il fila dans une cabine téléphonique du coin de la rue et engagea la bataille qui coûta un peu plus 350 millions à la municipalité et entraîna la destruction de la Banque Centrale, qui ne se releva jamais réellement de cet événement.

D’autres flairèrent le bon plan et mirent leurs supers pouvoirs au service de leur porte monnaie et lancèrent une société de BTP. Ce fut notamment le cas de l’Emplâtreur, de Doc Béton et de Super Maçon, qui proposaient un package : réparer les dégâts après avoir coffré le supervilain. A partir de là, l’esprit héroïque et chevaleresque des débuts fit place au règne de l’argent roi. Tout était bon pour « monétariser » son nom. Des poupées, des émissions radio et télé, des galas, et même pour les gagne-petit des animations en maison de retraite ou dans des supermarchés (concept lancé par Super Epicier). Certains se lancèrent même dans la prostitution (ce fût le cas du Dandy Chromé, à voile et à vapeur, ou de la Danseuse Etoile).

Les gouvernements essayèrent – et réussirent dans certains cas – de débaucher les meilleurs éléments pour leur faire intégrer leurs armées. Je pense que la planète a dû trembler quelques secondes après que notre pays eût dévoilé au monde entier l’existence de Monsieur Extraordinaire. Les uns pensant à la domination unique d’une nation grâce à cette arme de nouvelle génération, les autres à l’anéantissement du monde car même si Monsieur Extraordinaire pouvait tout faire, il ne serait jamais assez fort pour stopper des vagues et des vagues d’ogives nucléaires venant de toutes parts si les pays n’étaient pas d’accord avec l’hégémonisme de notre chère nation.
Seulement voilà, environ une heure après l’allocution de notre président, les américains répliquèrent en présentant Mister Amazing. Doté des mêmes pouvoirs et d’un costume quasiment identique (à part les couleurs) que notre héros national. Puis, dans les jours qui suivirent, tous les pays, même les plus petits, en firent de même. Et cela ne s’arrêta pas aux pays. Il y en eu également pour des régions qui voulaient leur indépendance (Super Euskaldunak, ou la Bigouden Masquée), ou même pour des villes ou des quartiers.
L’arrivée sur le marché des superhéros ne changea donc guère l’équilibre des forces en présence. Ils n’étaient qu’une arme parmi d’autres. Il fût question à un moment donné de créer un nouveau corps d’armée exclusivement réservée aux superhéros, mais l’idée mourût dans l’œuf, même si elle fit quelques réapparitions jusqu’au référendum.

Au bout de 25 ans de vie publique des superhéros (avec leurs naissances, leurs mariages, leurs décès et surtout leurs dégâts et leurs coûts), les gens en eurent assez. Sous la menace d’une grève de la police (devenu quasiment inutile, si ce n’était pour régler la circulation ou mettre des PV) et d’un coup d’état de l’armée (qui ne voulait pas être sous les ordres d’un superhéros en cas de conflit), le gouvernement, qui craignait depuis un certain temps une révolution à ce sujet, écouta la rue et proposa un référendum sur la question des super héros.
Fallait-il les rendre hors-la-loi ou bien conserver le statu quo ?

A plus de 84% (84,28% pour être exact), le peuple se prononça pour la mise hors-la-loi. En échange de l’abandon des charges qui pesaient sur eux (suite aux dégâts causés, ou aux plaintes des bandits arrêtés et molestés), la plupart de mes confrères et consœurs acceptèrent de se retirer, voire de se démasquer. Pour d’autres, il fallut leur verser une prime, ou une pension de retraite. Le seul réel problème qui se posa, ce fût pour Monsieur Extraordinaire.
Le gouvernement ne pouvant pas se passer de lui en matière de sécurité intérieur ou extérieur, il fût autorisé à conserver son identité secrète et à travailler en tant qu’agent spécial, le temps que tous les supervilains soient mis hors service (d’une manière ou d’une autre). Puis, devenu inutile, il fût lâché par les dirigeants avec pour seule récompense une poignée de main et une pension de retraite ridicule qui servait à peine à couvrir sa consommation de gros rouge (avec une préférence pour celui du Père La Casquette, un ex compagnon de combat).

Pour ma part, j’acceptais de me retirer (et de me démasquer) en échange d’un petit chèque et de l’annulation de la plainte pour viol (imaginaire) de l'ex super héroïne la Danseuse Etoile.

Depuis maintenant 30 ans, je vis tranquillement dans la maison achetée avec l’argent du gouvernement. J’ai continué à mettre mes dons surnaturels au service des gens, mais plus en cassant de la mauvaise graine. J’ai créé une société qui intervient en cas de fortes pluies ou de crue et pour assécher des marais et je vis plutôt bien.

Malheureusement, les radiations présentes dans mon corps depuis de si longues années sont en train d’avoir raison de moi. Je sais que bientôt il me faudra affronter pour la dernière fois de ma carrière un gugusse costumé, tout de noir vêtu et armé d’une faux. Et contre lui, les supers pouvoirs du Buvard, ne pourront rien…


(15/03/2003)
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